Contre le LPC, continuer et amplifier le combat !
par
Cette année encore, un « livret personnel de compétences » (LPC) nous est imposé par le Ministère et notre hiérarchie. Il nous est demandé d’y recenser les compétences acquises par nos élèves en fin de CE1, de CM2 et de 3ème. La simplification décidée par le gouvernement ne change rien au fond du problème. Nous continuons de penser que le LPC est pédagogiquement inutile voire même absurde, mais surtout une menace pour les libertés individuelles et les garanties collectives des travailleurs.
Ci-dessous, un article d’analyse sur la question.
Nous appelons les collègues d’élémentaire et de collège à se réunir, à échanger et à combattre ce dispositif. La fédération SUD Education lance une campagne de boycott du LPC. Dans ce cadre, nous proposons, en bas de page, un modèle d’engagement collectif à ne pas remplir le LPC. SUD Education soutiendra les collègues dans cette démarche.
On a beaucoup dénoncé la complexité du Livret Personnel de Compétences, son manque de lisibilité et son intérêt pédagogique discutable ; beaucoup moins les menaces qu’il fait peser globalement à l’échelle de la société. Pourtant, le LPC s’inscrit dans un processus de transformation profonde, sous l’influence du patronat européen, des systèmes éducatifs, de leur soumission aux attentes et besoins de l’économie mondialisée.
Au-delà, ce qui est mis en cause, ce sont les libertés individuelles et les garanties collectives. Ce que souhaite le patronat, c’est individualiser le rapport employeur-salarié en remplaçant progressivement les qualifications collectives nationales (diplômes) par un livret détaillé de compétences individuelles avec lequel chaque travailleur et demandeur d’emploi irait se vendre, négocier son statut, ses droits et son salaire dans tout l’espace européen.
Le LPC est d’ailleurs la déclinaison française du dispositif Europass voulu par le patronat européen et instauré avec le concours des institutions européennes. Il s’inscrit dans une tendance qui s’est accélérée ces 15 dernières années et qui peu à peu habitue les équipes à enseigner par compétences et les élèves à ce que les détails de leur parcours scolaire soit fiché.
Evolution historique
Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues s’est imposé à partir de 2001 en Europe puis en France définissant les compétences à acquérir en langue vivante. En 2004, l’Europass est créé et ajoute au Passeport de Langues le Curriculum Vitae européen. En 2006, l’OCDE, sous l’influence de la Table ronde des Industriels européens, est à l’origine des huit compétences-clé recommandées par les institutions européennes. Sept compétences du socle commun français en sont un copié-collé. La huitième, "l’esprit d’entreprise", apparaît dans l’annexe de l’actuel projet de loi d’orientation pour l’école. En 2008 est décidée la mise en concordance au niveau européen des diplômes et des certifications sous l’angle des compétences. En même temps, est instauré en France le LPC qui enregistre les compétences scolaires et comportementales de chaque élève. Un autre livret "expérimental" englobe les compétences extrascolaires. En 2009, la loi instaure le "Passeport Orientation et Formation" numérique qui doit accompagner chaque élève de la cinquième à la terminale, permettant d’éditer automatiquement des CV et lettres de motivation. En 2012, l’Union Européenne recommande aux États l’utilisation de l’Europass pour valider les acquis d’apprentissage. Même tendance dans l’enseignement supérieur avec le "Processus de Bologne" et l’instauration d’un cadre européen de référence des qualifications qui, en France suite à un accord MEDEF-EN, intègre dans les enseignements de licence de 15 universités, les compétences-clé dans un pur langage d’entreprise.
Une grave menace à trois niveaux
Présenté comme un outil devant permettre à tout travailleur de rechercher du travail, le LPC constitue en réalité une menace gravissime :
- En matière de vie privée, le LPC recueille de manière détaillée et numérique des données sur la vie scolaire et professionnelle des individus, ne respectant même pas le droit international. Nul ne peut garantir le devenir des nombreuses données sensibles qui sont saisies, notamment en raison de l’interconnexion des bases informatiques. La CNIL, créée en 1978, se montre de plus en plus permissive et se contente d’enregistrer les détenteurs de fichiers. Dans le monde du travail ensuite, comment accepter que le parcours scolaire et professionnel détaillé ainsi que les compétences de chaque individu puissent s’afficher sur l’écran d’un DRH ?
- Du point de vue du système éducatif, le LPC change en profondeur sa fonction première. Depuis une vingtaine d’années, les lobbys patronaux européens agissent pour transformer la raison d’être de l’école et de l’université et l’adapter à leurs besoins. Ils influent sur la définition des compétences et connaissances que les élèves doivent acquérir et imposent des outils numériques de recueil. Le patronat se décharge ainsi, au frais de la collectivité, de sa propre responsabilité en matière de formation professionnelle. Mais surtout, peu à peu, l’école n’a plus pour mission de former des citoyens libres et égaux mais de formater les futurs salariés.
- Du point de vue du droit des travailleurs, l’individualisation des compétences supprime l’effet paritaire des diplômes : là où la détention de ceux-ci suffisait pour être déclaré apte puis formé au poste de travail, il faut maintenant que les conditions même de son obtention soient validées par l’employeur. Plus grave, quand les parcours et les conditions de recrutement deviennent individuels, que les statuts se multiplient, alors :
- les diplômes, certifications et qualifications collectives deviennent caducs ;
- les contrats de travail adossés aux conventions collectives, les statuts et salaires garantis, le code du travail et ses inspecteurs ne protègent plus les salariés ;
- les syndicats et les conseils des prud’hommes peuvent difficilement défendre les salariés.
Au final, nul besoin pour le pouvoir économique et politique d’attaquer frontalement les garanties collectives. Il suffit d’instaurer de fait un rapport individuel entre salarié et employeur et que les contrats se négocient de gré à gré au regard du livret de compétence présenté. Mais c’est un rapport forcément inégalitaire. Le droit du travail et les conventions collectives ont précisément été créées pour compenser quelque peu l’inégalité des parties.
Aujourd’hui, la nouvelle majorité au pouvoir a simplifié le mode de saisie du LPC par les équipes éducatives, certaines organisations syndicales s’en satisfont. SUD Éducation Lorraine considère qu’en ne remettant pas totalement en cause le LPC, les menaces qui pèsent sur la liberté des individus, sur la fonction du service public d’éducation et sur les droits des travailleurs restent d’actualité. Nous continuons à appeler les collègues à le combattre.
Le DASEN de Moselle a envoyé une note de service via les IEN, sur la simplification du LPC. Voici un extrait :
Cette rénovation « à droit constant et sans modifier l’architecture des compétences » réaffirme l’importance, pour les équipes pédagogiques, de poursuivre l’effort engagé depuis plusieurs années dans le sens d’une évaluation par compétences, conformément à l’esprit du socle commun, et qui reste un objectif national. Tout est dit. |
Le modèle d’engagement collectif à ne pas remplir le LPC en version PDF :
L’engagement peut-être signé individuellement et en ligne à cette adresse
Les engagements ne seront publiés qu’une fois que le nombre de 500 signataires sera atteint.