Des retraites solidaires pour une société juste

Un texte de 2003
mercredi 7 mai 2003
par  Sud Education Lorraine

Le projet gouvernemental sur les retraites n’est pas une réforme, mais une entreprise de démolition.
Il invoque l’équité et l’espérance de vie pour repousser l’âge de la retraite. Le nombre d’annuités ouvrant droit à une retraite à taux plein passerait à 40 ans pour les fonctionnaires, puis à 42 ans pour tout le monde.
Mais l’état du marché du travail empêchera ces mesures de créer par miracle un surcroît d’activité. Par conséquent, les salariés partiront à la retraite à peu près au même âge, mais avec une décote qui, combinée avec d’autres mécanismes, aboutira à une forte baisse des retraites - d’au moins 20 % - venant frapper particulièrement
- les chômeurs,
- les précaires
- et les femmes.

Ceux qui voudront, et qui le pourront, compléteront avec la capitalisation exposée aux risques boursiers. On voit que ce projet applique fidèlement les préceptes du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que les décisions du sommet européen de Barcelone.

Nous refusons cette dramatisation injustifiée de l’allongement de la durée de vie, cette invocation incessante d’un « choc » démographique qui menacerait de faire exploser l’ensemble des retraites.
Le recul de l’âge de la retraite et la baisse du niveau des pensions versées ne sont pas à nos yeux des choix inéluctables auxquels il serait irresponsable de vouloir s’opposer.
Certes, la proportion de personnes âgées va augmenter lors des prochaines décennies. Mais la vraie question est de savoir si la part du revenu national qui leur revient doit augmenter, ou bien s’il existe une loi économique cachée, une sorte de barrière invisible, qui force à maintenir cette part à son niveau actuel.
Le Medef a sa propre réponse. Il ose exiger 45 annuités de cotisations alors qu’à 60 ans, du fait de la politique patronale de licenciements et de plans de préretraite, seul un actif sur trois a un emploi.
- Dans ce contexte, le passage à 40 annuités pour les fonctionnaires n’est qu’une étape : il s’agit de faire sauter un verrou qui permettra ensuite une nouvelle attaque contre les régimes spéciaux (EDF, SNCF, etc.) et bientôt d’imposer à tous, et d’abord au secteur privé, une nouvelle augmentation de la durée de cotisation.
- L’équité entre privé et public est absolument fondamentale, mais elle ne peut être obtenue en étendant à ce dernier les mesures injustes dont les salariés du privé sont en train de faire les frais. - Avec 40 annuités de cotisations, comment les chômeurs et les précaires, de plus en plus nombreux, peuvent-ils obtenir une retraite convenable ?
- Que dire de la situation de nombreuses femmes employées à temps partiel qui ne pourront obtenir qu’une retraite partielle ?
-  La retraite ne doit pas, une fois de plus, creuser les inégalités hommes-femmes.

Nous refusons que, sous prétexte de «  réforme  », de nouvelles régressions viennent encore dégrader la situation. Nous proposons au contraire de refonder un système de retraite solidaire autour de trois garanties fondamentales :
- droit à la retraite à taux plein à 60 ans ;
- taux de remplacement d’au moins 75 % et indexation des retraites sur les salaires ;
- 37 annuités et demi pour tous, privé et public.

La mise en place de ce triptyque passe par l’abrogation des décrets Balladur de 1993 et de l’accord sur les retraites complémentaires de 1996. Un tel projet est-il vraiment au-dessus de nos moyens, comme on cherche à nous le faire croire ?
Selon le Conseil d’Orientation des Retraites, il ferait passer la part des retraites de plus de 12 % du PIB aujourd’hui à 18,5 % en 2040. Ce déplacement, étalé sur 40 ans, nous semble à la mesure des évolutions démographiques à venir.

C’est dans ce cadre que peuvent et doivent être introduites les mesures nouvelles qui visent à mieux prendre en compte la réalité du monde du travail :
- garantie d’une retraite au moins égale au SMIC ;
- retraite à 55 ans pour les travaux pénibles, dangereux, postés ;
- validation des périodes

  • de chômage,
  • d’emploi précaire,
  • de temps partiel contraint
  • de formation.

Pour assurer le financement de ces mesures, les marges de manœuvre sont considérables :
une politique économique donnant la priorité à la satisfaction des besoins sociaux permettrait, sur la base d’une autre croissance, de créer des emplois utiles supplémentaires.

Il faudrait ensuite reconsidérer le partage des richesses dans notre pays.
- Aujourd’hui, 60% de la valeur ajoutée va aux salaires (directs et indirects sous forme de cotisations) contre 70% au début des années 80.
- La progression de 10 points de la part des profits n’a fait qu’accroître les revenus financiers, sans effet sur le chômage.
- Une augmentation de la cotisation patronale permettrait donc à la fois de financer les réformes que nous proposons, de redresser la part salariale dans la valeur ajoutée et de modifier la répartition de la masse salariale ainsi revalorisée entre actifs et retraités.
- Toutes les formes de rémunération doivent être soumises à cotisation, et nous mettons en débat l’idée d’un élargissement de l’assiette des cotisations à l’ensemble de la valeur ajoutée pour tenir compte des bénéfices distribués et des profits financiers.

Même dans l’hypothèse la plus défavorable pour les salariés - c’est-à-dire celle où ils devraient supporter eux-mêmes l’intégralité de ce coût avec un partage stable entre salaires et profits - les salaires nets pourraient croître trois fois plus rapidement sur les vingt années à venir, qu’au cours des vingt dernières, et ce, avec une hypothèse de croissance très modérée.

De nombreux travaux, comme les expériences étrangères, montrent par ailleurs que les autres solutions, notamment la capitalisation ou le recul de l’âge de la retraite, sont factices et sources d’inégalités et d’incertitudes accrues, voire de catastrophes sociales comme pour les salariés d’Enron.

Le choix qui nous est présenté comme la gestion concertée et experte des contraintes apparaît finalement comme un choix politique et social en faveur de la finance, au détriment des retraités.

A cette régression, nous opposons un projet qui assure l’équité et la solidarité, entre actifs et entre générations.

Et c’est au nom d’un tel projet que nous voulons nous mobiliser ensemble, syndicalistes, associatifs, enseignants et chercheurs, privé et public.

Parce que c’est juste, parce que c’est possible.


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