Des RAR aux ECLAIR, l’orage gronde.

lundi 30 mai 2011
par  Sud Education Lorraine

Lancées en 1981, les ZEP (Zones d’Education prioritaire) ont été remplacées en 2006 par les RAR (Réseau Ambition Réussite et les RRS (Réseau de Réussite scolaire). Soit des écoles et collèges publics qui concentrent difficultés scolaires et sociales et qui bénéficient de davantage de moyens : classes à effectifs réduits, présence de « professeurs-référents » et d’assistants d’éducation.

A la rentrée 2010, Luc Chatel, a mis en place une expérimentation dans 105 collèges et lycées présentant le plus de difficultés en matière de climat scolaire et de violence : le réseau CLAIR (Collège et Lycée pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite). Aucun établissement lorrain n’a participé au cours de cette année scolaire à cette expérimentation.

En octobre, le ministre de l’Education nationale, en visite dans un établissement CLAIR au Havre, avait demandé du temps pour évaluer le dispositif. Missionné dès décembre 2010 pour évaluer le système, le recteur Nique a fait vite pour présenter ses conclusions, évidemment favorables, et immédiatement approuvées par le Ministère de l’Education nationale. Entre temps, deux rapports (Inspection générale et DGESCO) dressent un bilan « encourageant » des RAR en termes de réduction des écarts avec les autres établissements. Pas d’urgence, donc à précipiter la réforme du dispositif.

Or, pour la rentrée de septembre 2011, les décisions semblent avoir été déjà prises : le système CLAIR, rebaptisé ECLAIR (Ecole, Collège, Lycée, pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite) se substitue au RAR et concernera 249 collèges et les 1 725 écoles de leur secteur.

L’ouverture aux écoles primaires est une réponse tardive aux critiques formulées par de nombreux acteurs de l’Education : la réussite scolaire doit être soutenue dès l’école primaire et pas uniquement dans le second degré. Mais l’inclusion annoncée n’est absolument pas pensée : les écoles situées dans le secteur d’un collège ECLAIR seront entraînées malgré elles dans le dispositif.

Pourquoi le ministère tient-il tant à tirer un trait sur les RAR qui commençaient à trouver leurs marques, pour généraliser un dispositif dont les résultats ne sont pas vraiment mesurés et l’imposer, sans concertation, dans l’hostilité ? Les enjeux ne sont pas pédagogiques, mais bien idéologiques, car tout l’intérêt des ECLAIR est de transformer ces établissements en laboratoires de dérégulation en matière de programmes nationaux, de gestion des personnels et d’autonomie des chefs d’établissement.

Les grandes lignes du système :

- La réduction des moyens consacrés à l’éducation prioritaire : par exemple, dans l’académie de Versailles, sur les 38 collèges actuellement classés en RAR ou en RRS, seuls 5 resteraient en ECLAIR. Et le maintien des moyens complémentaires liés au dispositif dépendra de l’acceptation de la transformation : un chantage inacceptable.
- Le glissement vers le sécuritaire  : le dispositif ECLAIR a été imaginé durant les Etats généraux de la Sécurité à l’École (au cours desquels ont été également institués des policiers ou gendarmes-référents qui sévissent dans certains établissements depuis septembre 2010). Il s’agit de transformer une politique centrée sur la réussite scolaire en une politique centrée sur l’amélioration du « climat » de l’établissement. Les deux peuvent être complémentaires, mais l’une ne doit pas exclure l’autre. Ici, les enseignants-référents aux missions pédagogiques sont transformés en préfets des études, petits chefs intermédiaires aux contours flous, chargés de missions « éducatives » que pourraient assurer les CPE et assistants d’éducation s’ils étaient assez nombreux dans nos établissements.
- La focalisation pédagogique sur le socle commun de connaissances : dans les établissements ECLAIR, on renonce aux éléments hors-socle. L’école pour les pauvres va naître, les destins scolaires figés dès le plus jeune âge se profilent. Assouplissement de la carte scolaire, internats d’excellence, seules les familles peu informées ou n’ayant pas les moyens de faire autrement maintiendront leurs enfants à l’école du ghetto.
- La caporalisation des personnels dans le second degré : dans les établissements ECLAIR, les postes d’enseignants et d’administratifs sont des postes spécifiques (« à profil »). Pour présenter sa candidature, fini le concours ou l’inscription sur SIAM : il faudra adresser au chef d’établissement et à l’IA du département d’implantation un dossier, comprenant une fiche de candidature, une lettre de motivation et un CV. « Pour tout renseignement concernant les profils de poste, s’adresser aux chefs d’établissements concernés. » peut-on lire sur le site du ministère. Des chefs d’établissements transformés en chasseurs de têtes aux pouvoirs exorbitants qui feront signer un engagement quinquennal dans le poste et une lettre de mission. L’évaluation de l’engagement de chacun et les résultats de l’établissement permettront le versement de primes au mérite et des évolutions de carrière différenciées qui ne renforceront en rien la cohésion des équipes, si importante, en particulier dans ce type d’établissement.

Ici ou là, des conseils d’administration ont refusé, comme c’est leur droit, d’intégrer le dispositif ECLAIR car il déroge aux programmes et horaires nationaux. D’autres, qui n’ont pas été consultés, ont exigé la tenue de CA extraordinaires. Il semble que, pour l’instant, l’administration ne tienne aucun compte de ces votes, bafouant ainsi la réglementation en vigueur et la démocratie.

En Lorraine, à la rentrée de septembre 2011, ECLAIR concernera les collèges :

- Robert Schuman à BEHREN-LES-FORBACH,
- Pierre Adt à FORBACH,
- Hauts de Blémont à METZ,
- Claude Le Lorrain à NANCY,
- Jean Moulin à UCKANGE,
- Jules Ferry à WOIPPY.

Difficile, évidemment, pour les collègues concernés, isolés, de se mobiliser et de mobiliser autour d’eux sur une thématique qui ne concerne qu’un petit nombre d’établissements. Une fois de plus, le ministère divise pour mieux régner. Or, la mise en œuvre d’une vraie politique de lutte contre l’échec scolaire est de la responsabilité de tous, en lien avec une politique de la ville permettant une plus grande mixité scolaire et sociale.


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