STI : le changement ne pourra se faire que par la lutte !

Pages 6 et 7 du bulletin local Février 2013
samedi 9 février 2013
par  Sud Education Lorraine

Retour sur les bouleversements induits par la réforme de la filière Sciences et Technologies Industrielles (STI).

Officiellement présentée comme une indispensable « rénovation » de la filière technologique en lycée, cette réforme, intégrée à la réforme du lycée de Chatel, permet de mettre en application la RGPP voulue par Sarkozy : les 13 filières STI sont supprimées et remplacées par la seule filière STI2D déclinée en un tronc commun d’« enseignements technologiques transversaux » et quatre « spécialités ».

La réforme, qui permet de très importantes économies de personnels et de matériels, consacre par ailleurs un bouleversement majeur de la formation technologique dans au moins trois domaines : d’abord sur l’horaire élève, en réduction de 25 à 30 % par rapport à l’ancienne filière et, dans un contexte de classes surchargées, tributaire du système inique d’heures globalisées ; ensuite sur les contenus des programmes qui sont dorénavant pluritechnologiques et d’un niveau d’appropriation élevé ; enfin sur les pratiques pédagogiques qui s’appuient sur une utilisation quasi systématique du numérique.

En outre, l’enseignement de Physique appliquée, partie électrotechnique de la formation STI, est supprimé et les enseignants de cette discipline ont tous été réétiquetés Physique-Chimie et réaffectés sur des postes de physique-chimie.

À cause d’une mise en œuvre précipitée (dès la rentrée 2011, soit moins d’un an après la publication des projets de programmes), la réforme n’ayant pas pu être expliquée, une cascade de difficultés s’en est suivie :

  • les rectorats ont mis en place, dans l’urgence et l’improvisation, une parodie de formation continue des enseignants (classes « virtuelles », collègue faisant office de formateur, autoformation, « compagnonnage ») ;
  • les lycées ont dû trouver des locaux, « remplir » sans visibilité les nouvelles sections ;
  • les régions ont été mises en demeure de financer sans délai les nouveaux et coûteux équipements (la région Lorraine a refusé de le faire) …

Dans ce contexte surréaliste, les enseignants STI et ceux de physique appliquée, totalement désemparés, ont donc été livrés à eux-mêmes, souvent avec des connaissances disciplinaires très limitées, sans recul pédagogique, sans laboratoires opérationnels, confrontés à des groupes à fort effectif.

Aujourd’hui, la prise en charge de qualité des élèves n’est toujours pas assurée.

Une lettre pour interpeller le ministre :


L’élection de François Hollande a suscité un souffle d’espoir chez tous ces profs désorientés qui imaginaient que le nouveau ministre de l’éducation nationale allait se pencher sur ce dossier … Mais en octobre 2012, les rectorats, suite à une circulaire ministérielle, mettent en demeure les profs STI d’accepter un réétiquetage de leur spécialité disciplinaire (dont le nombre passe de 42 à 4). Les organisations syndicales (CGT Educ’action, SNCL-FAEN, SNES-FSU, SNFOLC, SUD éducation) écrivent alors ensemble à Peillon pour lui demander de revenir sur cette réforme de l’enseignement technologique et, plus particulièrement, sur sa décision de réétiquetage, synonyme d’une perte d’identité professionnelle et d’une possibilité de nominations sur tout poste en lycée ou collège.

La réponse du directeur de cabinet de Peillon, le 17 décembre 2012, ne laisse aucun doute sur la position du nouveau gouvernement :

Pour ce qui concerne la réforme, le ministre fait dire qu’il condamne la « méthode » employée par son prédécesseur, en jugeant que la « nouvelle voie technologique [a été] imposée aux enseignants […] sans aucun dialogue ni concertation », il ajoute « qu’une réforme a d’autant plus de chance d’aboutir qu’elle est comprise et acceptée ». Bonne approche des choses, dictée par le bon sens… La lettre explique ensuite ce qui a été fait par ce gouvernement : la concertation sur la refondation de l’École, « a permis de rendre la parole aux professeurs […]. Refonder l’école, c’est aussi redonner confiance à des personnels souvent désabusés ». (Point final). Dans le rapport « Refondons l’école de la république », au chapitre « Le lycée de la réussite » on lit : « La majorité des participants à la concertation n’a pas souhaité remettre en cause la réforme en cours dans les voies générales et technologiques […] ». À supposer que les intervenants sur le dossier STI aient été minoritaires, ou non représentés dans les débats, et que les discussions aient tourné court, par quelle hypocrisie le directeur de cabinet se sent-il obligé de désavouer l’ancienne équipe ministérielle, pour ensuite ne rien faire d’autre qu’entériner ce qu’elle a mis en place ?

S’agissant du réétiquetage de spécialité des profs STI, procédure enclenchée par la circulaire adressée aux recteurs le 27 juin 2012 (après l’élection de F. Hollande), le ministère veut « redonner confiance et atténuer les effets très négatifs de la méthode utilisée par le précédent gouvernement, le ministre de l’EN a demandé aux Recteurs […] d’être particulièrement attentifs aux situations individuelles et d’accompagner les changements de discipline ». Nouvelle hypocrisie. Là encore, la faute n’incomberait qu’à l’équipe précédente. Sur le fond, la gestion au cas par cas ne remet aucunement en cause la mesure imaginée par le ministre Chatel.

Et maintenant ?

On le voit, jusqu’ici aucune décision n’a été prise pour résoudre les difficultés traversées par les filières technologiques industrielles et par ses enseignants. Comment espérer faire entendre ces difficultés ? A quel moment un bilan sera-t-il dressé ? L’attitude du ministère est sans doute liée au fait que les filières STI ne drainent qu’environ 7 % du nombre total d’élèves en lycée et que les enseignants STI ne représentent qu’environ 4 % du nombre total des profs. D’évidence, les STI ne pèsent pas grand-chose à ses yeux. Pourtant, à un moment où le gouvernement parle de redressement industriel, ne faut-il pas qu’il se penche sur la qualité des formations des futurs techniciens et ingénieurs ? Parce qu’elles seraient sous-représentées numériquement, ces filières n’en seraient-elles pas moins stratégiques ?D’évidence, l’avenir des STI ne pèse pas grand-chose à ses yeux.

La langue de bois de l’équipe du ministre Peillon est insupportable.


Seule une mobilisation massive des usagers et des acteurs du service public peut encore, aujourd’hui, faire bouger ce gouvernement.


SUD Éducation soutiendra toutes les initiatives qui iront dans ce sens.