Rythmes scolaires, Loi d’orientation pour l’école... De quoi la REFONDATION est-elle le nom ?

Spécial 4 pages SUD Education Lorrraine "REFONDATION" Mars 2013
mercredi 27 mars 2013
par  Sud Education Lorraine

Refondation : « Action de fonder sur de nouveaux principes, sur de nouvelles bases » (Le Robert).

Pendant 10 ans, le gouvernement UMP s’est attaqué à tous les niveaux du système scolaire et universitaire, avec deux objectifs :

  • Réduction des coûts : 80 000 postes supprimés, recours aux contrats précaires et aux heures sup., effectifs-classes record, pénurie de remplaçants, démantèlement des RASED, instauration d’un tronc commun pour remplir les classes en lycée, suppression de dédoublements, -25% de formation et mixage des publics en LP, fermetures de sections d’enseignement pro., politiques favorables à l’apprentissage et à l’école privée, disparition de la formation initiale et continue...
  • Transformation libérale de l’école : soumission de l’école aux besoins du marché du travail, centrage des programmes sur les « fondamentaux » et école du socle, enseignement et évaluation par compétences (LPC), autonomie des établissements (RCBC, LRU) et mise en concurrence, assouplissement de la carte scolaire, renforcement des liens entre l’école et l’entreprise, stages en entreprise dès le collège (PDMF, loi Cherpion), augmentation des périodes de stage en LP, convention E.N.-MEDEF, redéfinition de l’orientation scolaire en tri et insertion professionnelle, renforcement du pouvoir hiérarchique et management à la sauce privée...

Et quel bilan ! Aujourd’hui, combien de collègues démunis, incapables de faire face aux difficultés rencontrées par les élèves fragiles... Combien ont le sentiment de ne pas faire le métier qu’ils avaient choisi, subissant la transformation des missions de l’école plutôt que d’en être acteurs... Et combien de collègues en état de fatigue extrême, voire de détresse quand les
charges de travail s’accroissent, en même temps que les pressions hiérarchiques...

Alors oui, il est temps de refonder le système éducatif sur de nouvelles bases, c’est-à-dire remettre en cause toutes les contre-réformes destructrices de ces 10 dernières années, mais surtout de revenir sur les principes et l’orientation qui les fondent. En somme : cesser d’en faire l’usine qui fabrique à moindre coût et trie les futurs travailleurs compétitifs, pour en faire le lieu qui libère et émancipe les futurs adultes...

Aujourd’hui, le projet de « refondation de l’école » que nous propose le gouvernement a-t-il cette ambition ?

Derrière les deux sujets qui occupent le devant de la scène (postes et rythmes scolaires), à grand renfort de communication ministérielle et de relais dans les médias, quelle est la réalité de la refondation Peillon ?


Ce qui est maintenu :

  • Le gouvernement conserve le socle commun mais annonce une harmonisation compétences-programmes. Si cette ambition a le mérite de vouloir reconnecter deux logiques qui, pensées indépendamment, conduisaient à des absurdités pédagogiques et à une surcharge de travail pour les enseignants, sur le fond cette rationalisation vise surtout à légitimer et entériner la logique des compétences au yeux des personnels. En tout cas, le gouvernement confirme que l’approche par les compétences est positive et l’idée même de socle commun est maintenue et toujours considérée comme « SMIC scolaire », c’est-àdire comme les compétences minimales garanties notamment aux enfants des classes populaires pour leur permettre une insertion professionnelle. Il conserve également le Livret personnel de compétences (simplifié). De ce point de vue, le gouvernement s’inscrit dans la droite ligne du précédent mais surtout des transformations des systèmes éducatifs sous l’influence du patronat européen : Il s’agit de décliner chez nous le dispositif « Europass » ayant pour ambition de recueillir de manière détaillée et numérique toutes les données sur la vie scolaire et professionnelle de chaque individu et devant lui permettre de se vendre en tant que travailleur dans toute l’Europe.
  • Réformes des 3 lycées . Même si elles ont été vivement critiquées à l’époque par l’actuelle majorité, aucune d’entre elles n’est remise pour l’instant en cause. Symptomatique de ce statu quo, le sort des collègues de la voie technologique : V. Peillon avait dénoncé la réforme STI2D, mais l’une de ses premières décisions en septembre a été de contraindre dans l’urgence les collègues des 16 disciplines ex-STI à se repositionner sur l’un des 4 nouveaux CAPET généralistes issus de la réforme. Au-delà du fait que cette décision entérine la réforme, la méthode s’est révélée particulièrement brutale pour les collègues.
  • Le processus de territorialisation se poursuit. La revendication du passage à l’« acte III de la décentralisation » affirmée haut et fort par l’association des régions de France (majoritairement socialistes) avait trouvé une oreille attentive concernant l’orientation chez un Sarkozy obnubilé par les suppressions de postes de fonctionnaires d’Etat. Le gouvernement actuel achève la régionalisation des CIO. Si nos collègues COPsy ne savent pas encore ce qu’il va advenir de leur statut, une chose est sûre : c’en est fini de l’orientation scolaire telle que nous l’avons connue, tenant compte des aspirations et difficultés des élèves, place à l’orientation professionnelle pour tout public, régionalisée, tenant compte du marché local de l’emploi et du besoin en main d’oeuvre des entreprises.

Mais le gouvernement va plus loin, car ce que les régions revendiquent c’est la décentralisation de toute la formation professionnelle. Le projet de loi d’orientation prévoit que la définition des cartes de formation soit de compétence régionale. Ce seront à présent les Régions qui définiront quelles formations professionnelles seront proposées sur leur territoire et sous quelle forme : la mise en concurrence des LP et de l’apprentissage a encore de beaux jours devant elle. Mais surtout, il est à craindre qu’au final ce soient le marché de l’emploi et le patronat local qui tranchent. Nous ne sommes ici plus qu’à un pas de la régionalisation des professeurs de LP. Citons encore, dans ce registre, l’instauration de projets éducatifs territoriaux dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires pour le premier degré, ainsi que la contractualisation des moyens dans le second degré par contrats d’objectifs tripartites établissement-Rectorat-Conseil général ou régional.


Ce qui change :

  • Cycle commun école-collège : en lien direct avec l’école du socle, le gouvernement prévoit l’expérimentation d’un cycle commun alliant CM1, CM2, 6e, avec la création d’un conseil pédagogique spécifique mixte et l’expérimentation sur 5 ans de regroupements pédagogiques entre le collège et les écoles du secteur. Si les résistances à ce projet ont freiné les velléités d’une application générale dès maintenant, c’est bien le projet d’école du socle qui avance ici. L’expérimentation donnera-t-elle lieu à un véritable bilan ou ne servira-t-elle qu’à légitimer une généralisation déjà décidée ? Au delà des questions de charge de travail et de bénéfice réel du dispositif, il est à craindre que se profile ici une rupture avec l’organisation actuelle des écoles, sans supérieur hiérarchique, et que le gouvernement avance un peu plus, dans le même sens que les EPEP, vers l’établissement de grandes écoles du socle dont le principal serait le chef.
  • Scolarisation des enfants de deux ans , prioritairement en ZEP, milieu rural et DOMTOM : Comment ne pas souscrire à la volonté de relancer la scolarisation des enfants de moins de trois ans ? Mais cette intention est soumise à un tas de conditions : manque de moyens des collectivités territoriales (locaux, dortoirs, places en cantines, ATSEM...) et nécessité pour les équipes enseignantes de faire un projet à moyens constants si elles souhaitent accueillir une classe de deux ans. Au mieux, ces déclarations d’intention se résumeront dans les faits à du saupoudrage. Toujours est-il qu’elles conservent un arrière goût de LOLF : soumission des moyens aux projets (et non aux besoins) et contractualisation des écoles sur le mode des contrats d’objectifs du second degré au risque de voir remis en cause la politique d’éducation prioritaire (fondée, elle, sur les besoins).
  • Plus de maîtres que de classes : Ici aussi, c’est un dispositif soumis à projet et réservé à un public prioritaire. Pour l’heure il s’appuie essentiellement sur le renouvellement de dispositifs déjà existants. Côté inquiétudes : on attend de voir de réelles créations de postes statutaires pour ces maîtres supplémentaires et on ne sait pas comment leurs missions s’articuleront avec celles des RASED. Le pire serait qu’ils finissent par s’y substituer.
  • Éducation prioritaire : Pas de véritable décision, mais des annonces. Le dispositif ECLAIR serait abandonné et le Ministère entend sortir du zonage et des labellisations stigmatisantes. Il annonce vouloir attribuer des moyens supplémentaires de manière graduée et pluriannuelle, ainsi que stabiliser les équipes en attribuant des décharges horaires pour les collègues en service au sein de l’éducation prioritaire, plutôt que des primes ou des indemnités. Mais ici aussi, c’est sur le mode de la contractualisation via les contrats d’objectifs que ces dispositifs seront mis en place (et non sur le seul repérage des besoins). Encore une fois, plus que la rupture avec la tendance de mise en concurrence croissante des écoles et établissements, générant le clientélisme, ce qui s’annonce ici est plutôt une retouche (et donc une confirmation) de cette tendance en donnant un coup de pouce aux milieux dits défavorisés.
  • Programmes : Le Ministère entend mettre en place un Conseil supérieur des programmes chargé de faire des propositions sur les programmes, les épreuves d’examen et les concours de recrutement des enseignants. Il aurait notamment pour mission de travailler à la mise en cohérence des programmes et du socle commun. Mais aucune véritable réforme n’est à prévoir pour l’instant et il n’est pas prévu d’abroger les programmes contestés dans le primaire mais aussi considérés comme infaisables dans certaines disciplines au lycée.

Derrière la com’

  • Rythmes scolaires : Le décret prévoit 4 journées de classe de 5h30 maximum et ½ journée de 3h30. Les aides personnalisées sont remplacées par des activités pédagogiques complémentaires (54h annualisées) définies localement par le conseil d’école ou la commune. Si la réforme nous est vendue comme n’augmentant pas le temps de service des enseignants, elle dégradera leurs conditions de travail et de vie car le temps de présence effective et les trajets augmenteront fortement. Et quel bénéfice pour les élèves quand les programmes sont toujours aussi lourds, les journées aussi longues, les RASED aussi manquants et une prise en charge différente et donc inégalitaire selon les communes ? L’objectif (libéral) est clairement affiché par le ministre : « faire évoluer l’école autour d’un projet éducatif territorial (PET) ». Pour SUD, les mairies n’ont pas à intervenir dans les choix et l’organisation pédagogique des écoles !
  • Postes : Le candidat Hollande avait promis de créer de 60 000 postes sur le quinquennat et de revenir, dès la rentrée 2012, sur les 14 000 suppressions prévues par le gouvernement précédent. Bien loin de ces promesses, à la rentrée 2012, à peine plus de 1000 postes ont été débloqués pour faire face à l’urgence (une dizaine pour notre Académie). Qu’en est-il de la promesse des créations à venir ? Notons déjà que même si la promesse est tenue, elle ne rétablit qu’au ¾ ce qui a été supprimé sur le quinquennat Sarkozy. Et sera-t-elle tenue ? Le Ministère a refusé d’inscrire la programmation de ces postes dans la loi d’orientation pour l’école (mais seulement en annexe). Elle n’est donc pas contraignante et chaque année la loi de finance pourra la revoir à la baisse, ou revenir dessus. Par ailleurs, de quels types de postes s’agit-il ? Pour 2013-2014, le gouvernement prévoit environ 7 000 emplois supplémentaires, mais ils consisteront en des contrats précaires d’un an et à temps partiel attribués à un peu plus de 20 000 candidats admissibles aux concours. Le recrutement statutaire, lui, ne dépasse guère les départs à la retraite. Aussi, si le gouvernement procède à de véritables recréations de postes, celles-ci n’interviendront qu’en septembre 2014 soit déjà quasiment à mi-mandat. Derrière les annonces et la com’, on a bien compris que le gouvernement n’a pas l’intention de revenir sur les effectifs-classes définis par la droite. Preuve en est la poursuite des suppressions de postes dans l’académie de Nancy-Metz pour la rentrée 2013 sous prétexte de légère baisse démographique.
SUD Éducation Lorraine estime que le projet Peillon pour l’école n’a de refondation que le nom. Comment se satisfaire d’effectifs-classe identiques, du non rétablissement des postes en RASED, de la poursuite du recours aux contrats précaires et aux heures supplémentaires ? Comment se résoudre à ce que les réformes des trois lycées, faites dans le cadre de la RGPP avec pour principal but la suppression de postes, ne soient pas remises en cause ? Comment accepter que l’organisation de l’école soit de plus en plus territoriale et donc inégalitaire ? Mais surtout, comment accepter la poursuite de l’orientation libérale des politiques éducatives, avec le maintien des fondements idéologiques utilitaristes du socle commun, du LPC, des programmes de 2008 ? SUD Éducation Lorraine n’accepte pas que la nouvelle majorité assigne, elle aussi, à l’école la seule mission de fabriquer à moindre coût des futurs travailleurs compétitifs. Nous continuerons à nous battre pour nos conditions de travail ainsi que pour une école publique, laïque, égalitaire et émancipatrice.

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