Interpellation des candidat·es aux élections régionales

lundi 7 juin 2021
par  Sud Education Lorraine

Solidaires 55 interpelle les candidat·es aux élections régionales à partir des contributions de ses syndicats membres. Voici la contribution de SUD Education Lorraine.

1) Lycée 4.0

Les collectivités territoriales ont en charge l’entretien et l’équipement matériel des établissements scolaires. Ce sont elles qui fournissent leur budget de fonctionnement et définissent les priorités d’investissement. A ce titre, depuis la rentrée 2017, le conseil régional Grand Est a expérimenté puis généralisé la mise en place du plan Lycée 4.0, consistant à équiper chaque lycéen·ne d’un ordinateur portable personnel et le remplacement des manuels scolaires par leur version numérique.

Ce plan, imposé par le conseil régional et accompagné par les rectorats, a été vendu sous les classiques prétextes de modernité, d’efficacité et de soit disant économies budgétaires. Il n’a jamais fait l’objet d’une consultation des premier·ères concernées, les enseignant·es, ailleurs que dans des instances purement consultatives (CESER ou CAEN entre autres) où les réserves émises par les syndicats ont été purement ignorées. Les interrogations, motions et prises de paroles d’enseignant·es dans de nombreux conseils d’administration d’établissements sont restés sans réponses. Les adresses du collectif "écran total" dans lequel des militant·es de SUD Education et d’autres syndicats se sont investis, et ayant produit un travail d’analyse conséquent sur la base de nombreuses études d’impact médical et environnemental françaises et internationales ont reçu des fins de non recevoir.

Si nous ne sommes pas contre un usage raisonné du numérique, SUD Education Lorraine reste opposé au tout numérique qui nous est imposé, pour les raisons suivantes :
Sur le plan pédagogique, le lycée 4.0 est une ingérence des collectivités territoriales puisque ce plan impose aux enseignant·es un outil et une méthode de travail dont ils et elles n’ont pas été demandeur·euses. Il a par ailleurs été catégoriquement refusé le maintien des manuels scolaires papier pour les enseignant·es ou disciplines qui en ont fait la demande. La liberté pédagogique est une composante importante de notre métier et les méthodes pédagogiques n’est pas de la compétence des régions, celles-ci doivent respecter les choix des enseignant·es.
Sur le plan économique, le lycée 4.0 a encore été une formidable aubaine pour les géants du numérique, les GAFAM en premier lieu, transférant à nouveau des sommes colossales du public vers le privé, faisant fi au passage des questions de vie privée puisque les ordinateurs sont bien entendu équipés de logiciels propriétaires peu scrupuleux des données personnelles, alors que des solutions open source auraient été possibles.
Sur le plan sanitaire, le lycée 4.0 aggrave une situation déjà largement pointée par le corps médical sur le temps passé par les jeunes devant les écrans et leur exposition à la lumière bleue.
Sur le plan environnemental, vu le niveau qualitatif du matériel attribué aux élèves et l’obsolescence programmée à l’oeuvre dans ce secteur économique, le lycée 4.0 est contraire à tous les objectifs de réduction de l’empreinte écologique de la population. Nous rappelons que dans l’immense majorité des établissements, les manuels papier étaient prêtés aux élèves, réutilisés d’une année sur l’autre, et renouvelés qu’en cas de réforme des programmes. Les ordinateurs attribués aux élèves sont, eux, renouvelés tous les trois ans.
Sur le plan du service public, le lycée 4.0 a largement dégradé les conditions d’apprentissage pour les élèves et les conditions de travail pour les enseignant·es. Avec 35 ou 36 ordinateurs devant eux, les enseignant·es éprouvent des difficultés à faire cours et à contrôler l’activité réelle des élèves. On ne compte plus les difficultés à se connecter au wifi, les élèves qui doivent utiliser leur connexion de téléphone portable, les élèves qui visionnent des vidéos ou font des jeux pendant les cours, les bugs informatiques, les ordinateurs non mis à jour ou mal paramétrés.

Alors nous vous reposons la question : après de nombreuses années de suppressions de postes, d’effectifs de classes qui explosent, de fermetures de sections d’enseignement, d’options, voire d’établissements, de réformes éducatives structurelles qui suppriment des passerelles et aggravent le déterminisme et les inégalités sociales, de soumission utilitariste de l’école au marché de travail évacuant la mission émancipatrice de l’école... les enseignant·es s’interrogent sur la cohérence des politiques régionales et ministérielles : Est-ce vraiment du tout numérique dont nos élèves ont besoin ?

2) Apprentissage

Un autre volet de compétence régionale est la formation professionnelle et l’apprentissage. Depuis le mandat précédant la réforme territoriale constituant les nouvelles grandes régions, les majorités de droite comme de gauche des anciennes régions et des nouvelles s’accordaient pour faire de l’augmentation du nombre d’apprentis une priorité, mettant en avant un modèle allemand pourtant difficilement comparable avec l’organisation historique et les ambitions françaises en matière d’éducation et de formation professionnelle.

Ces objectifs de développement exponentiel de l’apprentissage ont introduit une concurrence déloyale avec l’enseignement professionnel sous statut scolaire, vidant des sections de lycée professionnelles, conduisant à des fermetures de sections et d’établissements, faisant purement et simplement disparaître des spécialités de certains départements. Si nous ne sommes pas opposés à l’apprentissage qui reste utile pour des jeunes en rupture complète avec le système scolaire, nous considérons que :
• le lycée professionnel répond à la fois à l’objectif de formation et d’insertion professionnelles et à celui d’éducation et d’émancipation, où l’enseignement général ne se limite pas à un peu de français, de mathématique et à un minimum de culture générale mais préserve l’éducation civique, artistique et physique, maintient des objectifs ambitieux d’éducation en histoire-géographie ou en sciences. Mais surtout, le lycée professionnel maintient quelques passerelles permettant à certains élèves d’échapper au déterminisme social dans lequel les enferme l’apprentissage, bien que l’État (lui aussi) ait réduit les ambitions émancipatrices de l’école en supprimant certaines passerelles avec la réforme du bac pro en 3 ans.
• l’apprentissage est largement dépendant de la conjoncture économique car conditionnée à l’offre des entreprises pour lesquelles les contrats d’apprentissage font souvent office de variable d’ajustement.
• la mise en avant des taux d’insertion professionnelle supérieurs pour l’apprentissage n’est pas vraie pour toutes les spécialités professionnelles et pour tous les niveaux de diplômes. Mais surtout, elle fait fi du taux de poursuite d’étude, supérieur en lycée professionnel. Et cela n’a rien d’étonnant : les entreprises qui signent des contrats d’apprentissages veulent un retour sur investissement et se saisissent des apprentis comme force de travail supplémentaire à peu de frais et directement formés aux postes de travail chez elles. Le résultat en est la baisse des ambitions diplômantes de la jeunesse.

Enfin, nous profitons de cette intervention pour dénoncer les pressions mises sur certains établissements en matière de mixité des publics et le chantage exercé sur les équipes tant par les rectorats que par la région pour leur faire accepter dans une même classe des élèves sous statut scolaires, des apprentis et des adultes en formation, faisant peser la menace de fermeture des sections qui ne sont pas suffisamment en tension. La priorité reste pour nous la qualité de l’enseignement qui ne doit jamais être réduite sous la contrainte budgétaire. Un budget ne se limite pas à la colonne des dépenses. De l’argent, il y en a… Du courage, il en faut pour aller le chercher où il est...

Au final, dans cette affaire, la politique régionale est court-termiste et surtout soumet la jeunesse aux attentes immédiates des entreprises et du marché de l’emploi. Notre slogan prend ici tout son sens : l’école n’est pas une entreprise, l’éducation, la formation et la jeunesse ne sont pas des marchandises !


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